Le Personnage du Maire dans la Littérature
Monsieur le maire est en France un personnage haut en couleur souvent campé dans les grands classiques de la littérature de la fin du XIXe siècle. Personnage central parfois, mais plus souvent secondaire, son portrait caricatural, donne du relief au récit de société.
L’un des premiers à faire entrer la politique moderne dans la littérature est Stendhal, dans Le Rouge et le Noir, en 1830. Monsieur de Rénal est maire de la commune de Verrières depuis le début de la Restauration. Il en a tous les caractères sociaux attendus : il est noble, riche et habille l’origine d’une fortune acquise dans l’industrie, par un comportement de châtelain.
Après lui, Honoré de Balzac évoque dans sa Comédie Humaine pas moins de trente magistrats municipaux. Chacun, qu’ils soient de la ville ou bien des champs, est caractérisé par une profession type du maire de cette époque. Il est médecin, gentilhomme ou bien agriculteur.
« Beaucoup de maires de canton […] font des sacs à raisin ou à graines, avec les numéros du Bulletin des lois. Quant aux simples maires de communes, on serait effrayé du nombre de ceux qui ne savent ni lire, ni écrire, et de la manière dont sont tenus les actes de l’état civil. »
Honoré de Balzac, Les Paysans.
Les Misérables , de Victor Hugo et Madame Bovary, de Gustave Flaubert, ont également leur maire. Pour le premier, il s’agit de Monsieur Madeleine (Jean Valjean), industriel inventif et prospère. C’est le type même du maire philanthrope. Pour le second, c’est Monsieur Tuvache, riche propriétaire-exploitant, mi-paysan, mi-bourgeois.
« Ce ne sont pas des gens très chics me dit Albertine en ricanant d’un air de mépris […], le gros, c’est le maire. »
Marcel Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs.
Bien d’autres exemples sont révélateurs de l’intérêt que suscite cet élu de la nation.
« Un chef qui sait où il va et qui n’y va pas par quatre chemins. »
Roger Martin du Gard, Vieille France.
« Philoxène de Clarisse, quarante-sept ans, gros et rond, avec de beaux yeux noirs et un profil romain, sans barbe ni moustache. Ses mains velues étaient assez grasses car elles n’avaient jamais touchées une pioche. Il était propriétaire d’un bar-tabac, obtenu grâce à une blessure de guerre (d’ailleurs invisible), mais surtout à cause de la pension. Il se disait socialiste, laïc, anticlérical, lisait ouvertement sur la terrasse Le Petit Provençal et vitupérait volontiers contre les jésuites qui menaient la France à sa perte. […] Pour toutes les questions difficiles, on venait lui demander conseil, parce qu’il savait un peu des lois : il était capable de soutenir une conversation avec les gens de la ville, et il parlait au téléphone de son bar avec une aisance inégalée. »
Marcel Pagnol, L’eau des collines, 1963.
« Un village comme Chaumot ou Chitry, c’est la meilleure preuve que l’univers n’a pas de sens. Le curé leur raconte des histoires à dormir debout et leur promet la lune au paradis. Le maire ne tient qu’à son écharpe. […] Elections ? C’est un vilain moment. On n’ose plus faire un pas, dire bonjour, serrer une main. On a l’air d’implorer un bulletin de vote. Chaque sourire semble une prière. »
« On vient de ma faire un sale coup !… et bien malgré moi, misère de bon dieu ! des gens qui ne m’ont jamais vu !-je ne leur ai jamais rien fait !- faut-il que le monde soit méchant tout de même ! »